2/24/2011

La langue russe au service de l'imaginaire

Bien souvent objet de passion, l’apprentissage de la langue russe est le plus souvent motivé par des raisons affectives ou un attrait irrépressible comme en témoignent Geneviève, Géraldine ou Aline…

Qui n’a pas rêvé de voir glisser sur la neige une troïka et de s’endormir sous un épais manteau de fourrure bercé par le rythme régulier et mélodieux des clochettes tintinnabulant. Quant aux chœurs de l’armée rouge, ils ont un temps nourri les rêves et les espoirs de plusieurs générations de petits français.

C’est parmi ceux-ci qu’aujourd’hui se trouvent des témoins d’un autre temps où apprendre la langue russe en France était synonyme quasiment de marginalisation.




On pouvait aussi le faire pour ne pas rentrer dans le moule, pour éviter d’apprendre les langues que le commun des mortels devait apprendre pour être dans les normes et les clous de l’enseignement.

Mais de fait, quelles que soient les raisons de ce choix, il condamnait ceux qui l’avaient fait à une sorte de clandestinité. Il n’était pas toujours de bon temps d’afficher que l’on était du côté des russisants.
La plupart du temps, soit on vous collait l’étiquette du bolchevik avec le couteau entre les dents, soit celle de l’héritier du vilain russe blanc qui avait trahi sa patrie, soit celle encore du malchanceux qui avait du fuir la révolution russe et qui du statut d’aristocrate dans son pays d’origine endossait celui du chauffeur de taxi ou du pauvre travailleur immigré venu rejoindre le rang des polonais, arméniens, portugais…

Et pourtant, pour celles et ceux qui se sont plongés corps et âme dans l’apprentissage de cette langue réputée, ici en France, difficile, il ne reste en souvenir de ces années de collège, de lycée ou d’université que de doux souvenirs liés à la découverte d’un monde “romanesque parfois un peu fantasque”, comme le dit Geneviève.
Son lien avec la langue russe est un lien familial : “Mon arrière-grand-père maternel faisait partie de ces gens qui au moment de la révolution industrielle étaient ingénieurs.
Il avait le goût pour l’aventure et il est parti construire une usine sur les bords de la Volga. Il a vécu là-bas avec femme et enfants pendant huit ans, travaillant avec des ouvriers russes. Ils sont revenus en France au moment de la révolution.
C’est ainsi que mon père a grandi baigné par cette histoire et lorsqu’il était enfant, il s’est lié d’amitié avec une petite fille russe qui est devenu marraine d’un de mes frères.
Quand nous étions petits, nos parents nous lisaient des contes russes et mon père avait conservé des objets d’artisanat russe.

Tout cela a contribué à nourrir notre imaginaire et mes frères et moi avons tous appris le russe”, raconte Geneviève devenue mère à son tour. Géraldine se souvient que  ses parents l’ont poussée à apprendre la langue russe dès la sixième : “Ils aimaient bien la culture russe d’autant plus que l’oncle de mon père était russe puisque sa sœur s’était mariée avec un russe.
De plus, mon arrière-grand-père avait embauché un jeune russe qui est devenu un ami de la famille.
Quand j’ai commencé à apprendre le russe, ça m’a plu tout de suite et j’étais contente car il y avait peu de gens qui l’apprenaient. C’était une manière d’être différente”.

Aline ne trouve aucune raison particulière qui a motivé son choix si ce n’est “l’envie de faire autre chose que tous les autres faisaient”.
Elle s’est étonnée de “trouver cet apprentissage si facile et un bonheur intense d’avoir le sentiment de recommencer tout à zéro en apprenant un alphabet totalement différent de l’alphabet latin”.

Pure coïncidence ou hasard de la vie : “A la mort de mon père qui ne vivait pas avec nous et qui ne savait pas que ces enfants étudiaient la langue russe, nous avons découvert chez lui, les éditions complètes de Pouchkine en russe”…

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